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ii. de la nature

pugnance, de sa crainte, de sa colère, de sa haine, de son amour, de sa joie, de sa tristesse, de son ardeur, etc. Sitôt, par contre, qu’il est question de phénomènes qui sont le fait du seul intellect, nous tombons dans l’incertitude. Nous n’osons pas affirmer que l’animal comprenne, qu’il pense, qu’il juge, qu’il sache. Nous lui attribuons seulement, de façon générale, des représentations ; car sans représentations les mouvements du Vouloir que nous venons d’énumérer ne sauraient se produire. Mais sur le mode déterminé de connaissance qui est propre aux animaux, et sur les limites de cette faculté dans une espèce donnée, nous n’avons que des notions vagues et nous sommes réduits à des conjectures. C’est bien pourquoi il nous est si difficile de nous entendre avec eux ; nous n’y parvenons qu’artificiellement, à force d’expériences et d’exercices. C’est donc dans l’intellect que gît la différence entre leur conscience et la nôtre. Au contraire, désirer, convoiter, vouloir, ou répugner, détester, ne pas vouloir est le propre de toute conscience, chez l’homme comme chez le polype, et c’est aussi ce qui en fait l’essence et le fondement. Si les manifestations de cette conscience diffèrent d’une espèce à l’autre dans la série animale, c’est en raison de l’étendue, différente pour chacune d’elles,