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la pensée de schopenhauer

toute excitation un peu sensible du Vouloir trouble ce fonctionnement de l’intellect et en fausse les résultats. L’inverse, en revanche, ne se produit pas, c’est-à-dire que l’intellect ne fait pas pareillement obstacle au Vouloir ; tout comme la lune, empêchée par le soleil de produire son effet, tant que celui-ci brille au ciel, n’empêche pas, elle, le soleil de briller.

Une grande frayeur nous fait perdre la tête au point de nous priver de tout mouvement, quand elle ne nous suggère pas les actes les plus absurdes ; c’est ainsi qu’il pourra nous arriver, au moment où un incendie se déclare, d’aller nous jeter tout droit dans les flammes. La colère nous empêche de savoir ce que nous faisons, et encore plus ce que nous disons. Un zèle, que pour cela même on nomme « aveugle », nous rend incapable de peser les arguments d’autrui et même de choisir et de présenter avec ordre les nôtres. La joie, et presque au même degré la convoitise, nous rend inconsidéré, nous fait perdre tout égard et toute retenue. La crainte nous ôte, dans le péril, la faculté de saisir les moyens de salut qui nous restent et qui se trouvent souvent à portée de la main. C’est pourquoi le sang-froid et la présence d’esprit sont les premières qualités requises pour soutenir