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ii. de la nature

nécessairement à notre esprit, en vertu de règles préformées dans le cerveau, comme les lois éternelles de toute existence, et d’avoir édifié sur cette base les ontologies, les cosmologies et les théologies, qui constitue l’erreur fondamentale et primordiale à laquelle la doctrine de Kant est venue mettre fin.

C’est précisément parce que l’intellect est un produit de la nature, par où elle ne vise qu’à sa propre utilité, que les mystiques chrétiens l’ont appelé si joliment la « lumière naturelle », lui signifiant ainsi les limites qu’il ne saurait dépasser ; car la nature est pour l’intellect le seul objet dont il puisse être le sujet. Au fond, dans cette expression : la « lumière naturelle », est déjà contenue l’idée d’où est sortie la Critique de la raison pure. Si, en procédant directement, je veux dire par l’application directe, non soumise d’abord à la critique, de l’intellect et de ses données à l’Univers, nous n’arrivons pas à comprendre cet Univers, et si, à méditer sur lui selon cette méthode, nous nous engageons au contraire toujours plus profondément dans un tissu d’insolubles énigmes, c’est justement que l’intellect, et ainsi la connaissance elle-même, est déjà un fait secondaire, un simple produit, amené par le développement de l’être universel. Celui-ci lui est donc antérieur, l’intellect étant apparu en dernier