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la pensée de schopenhauer

manifestation intégrale de leur être. En ce sens, on pourrait dire aussi que tout organisme ne parvient à réaliser l’Idée dont il est un exemplaire, qu’après soustraction de cette partie de sa force qu’il lui faut employer à vaincre les Idées inférieures qui lui disputent la matière.

Ainsi nous ne voyons partout dans la nature que conflit et combat, alternances de victoires et de défaites. Chaque degré de l’objectivation du Vouloir dispute à l’autre la matière, l’espace et le temps. Perpétuellement la matière, elle-même persistante, est obligée de changer de forme, car, sans cesse, au fil conducteur de la causalité, les phénomènes mécaniques, physiques, chimiques, organiques se succèdent et se pressent, avides de se produire, s’arrachant les uns aux autres la matière où chacun veut manifester son Idée. La nature entière, sous ses divers aspects, nous offre le spectacle de cette lutte. Bien plus, elle-même ne subsiste précisément que par cette lutte : έι γαρ μη ήν το νεικος έν τοις πραΥμασιν, έν άν ήν άπαντα,ώς φησιν Εμπεδοϰλης, « car s’il n’y avait pas de lutte dans les choses, toutes