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la pensée de schopenhauer
Sur les lois de la nature.

L’infaillibilité des lois de la nature — si l’on se fonde sur l’expérience d’un fait isolé et non pas sur la connaissance de l’idée — a quelque chose de surprenant et même parfois de terrifiant. On en vient à s’étonner que la nature n’oublie pas une seule fois ses propres lois et que, par exemple, — si en vertu d’une loi naturelle certaines matières mises en contact dans certaines conditions doivent déterminer une combinaison chimique, un développement de gaz, une combustion, — du moment que toutes ces conditions se trouvent réalisées, soit par notre intervention, soit par le seul hasard (auquel cas l’inattendu du résultat rend sa ponctualité d’autant plus frappante), le phénomène en question se produise instantanément et sans la moindre indécision, aujourd’hui comme il y a mille ans. Ce qui nous surprend dans un cas pareil, c’est l’omniprésence, comme d’esprits invisibles, des forces de la nature. Nous constatons alors ce que nous ne songeons plus à remarquer dans les phénomènes quotidiens : à savoir que le lien entre la cause et l’effet est en réalité aussi mystérieux que celui qu’on suppose exister entre la formule magique et l’esprit qu’elle évoque