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la pensée de schopenhauer

d’une force naturelle, l’absolue similitude des millions de phénomènes où elle s’exprime, et l’infaillibilité de leur apparition, est en réalité comparable à l’étonnement du sauvage ou de l’enfant qui, regardant pour la première fois une fleur à travers un prisme de verre à multiples facettes, s’émerveille de la parfaite ressemblance des innombrables fleurs qu’il aperçoit, et se met à compter un à un les pétales de chacune d’elles.

Toute force universelle et élémentaire de la nature n’est donc en elle-même rien d’autre que l’objectivation du Vouloir à un de ses degrés inférieurs. Nous appelons chacun de ces degrés une Idée éternelle, au sens de Platon. Quant à la loi naturelle, elle est le rapport de l’Idée à la forme de sa manifestation. Cette forme, c’est à la fois le temps, l’espace et la causalité, entre lesquels il y a un rapport nécessaire et indissoluble. Le temps et l’espace multiplient l’Idée en phénomènes innombrables ; la loi de causalité fixe l’ordre rigoureux selon lequel les phénomènes apparaissent dans ces formes de la pluralité ; elle est en quelque sorte la norme