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ii. de la nature

compte les choses se sont arrangées exactement comme si le genre d’existence de l’animal, et les conditions extérieures qu’il implique, avaient été connus avant que la structure de l’organisme fût déterminée, et comme si l’animal avait pu choisir l’outillage adapté à ce genre d’existence avant de s’incarner en une forme ; tout comme le chasseur, avant de se mettre en route, choisit son équipement et ses armes, fusil, plomb, poudre, carnassière, coutelas, en prévision du gibier qu’il compte tuer. Car le chasseur ne tire pas sur le sanglier parce qu’il porte une longue carabine ; mais il a pris sa longue carabine, et non pas son fusil à tirer les oiseaux, parce qu’il allait chasser le sanglier ; et le taureau ne frappe pas de la tête parce qu’il a des cornes ; mais il a des cornes, parce qu’il veut frapper de la tête. Un fait vient par ailleurs confirmer cette interprétation : on voit chez beaucoup d’animaux non encore adultes telle ou telle manifestation du Vouloir, qui doit avoir pour instrument un certain membre, se produire déjà avant que celui-ci apparaisse, de sorte que l’usage de ce membre précède son existence. Ainsi les jeunes boucs, les jeunes béliers, les veaux, avant d’avoir des cornes, frappent déjà de leur seule tête ; le jeune sanglier dis-