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la pensée de schopenhauer

voir que le « quoi » lorsque, d’autre part, ce n’est point à la pensée abstraite, aux concepts de la raison, qu’il permet d’occuper le champ de son esprit, mais qu’il laisse au contraire toutes les forces de cet esprit se concentrer dans une intuition, qu’il s’y plonge tout entier, qu’il la laisse occuper la totalité de la conscience par la contemplation sereine de l’objet — paysage, arbre, rocher, édifice ou toute autre chose — que lui présente à ce moment même la nature ; lorsque, pour employer une expression très significative, il se perd complètement dans la contemplation de cet objet, parce que précisément il y oublie son individu, son Vouloir, pour ne demeurer que pur sujet, clair miroir de l’objet, comme si cet objet seul existait, sans personne pour le percevoir, et comme si l’être qui contemple, devenu inséparable de sa contemplation, ne faisait plus qu’un avec elle, la conscience étant entièrement remplie et occupée d’une seule image sensible ; quand donc l’objet se trouve ainsi dépouillé de toute relation avec quoi que ce soit en dehors de lui, et le sujet de tout ce qui a rapport à son Vouloir : alors, ce que l’esprit connaît, ce n’est plus la chose particulière comme telle ;