Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
iii. de l’art

c’est l’Idée, la forme éternelle. Et du même coup l’être absorbé dans cette intuition n’est plus individu, puisque précisément son individualité s’y est perdue ; il est devenu, hors du Vouloir, hors de la douleur, hors du temps, pur sujet de la connaissance.

L’esprit plane alors librement, détaché de tout désir ; dans la chose particulière il ne reconnaît que ce qui en fait l’essence, c’est-à-dire qu’il discerne par là-même toute l’espèce de cette chose. Son objet, ce seront donc les Idées, dans l’acception originelle, qui est l’acception platonicienne, où j’emploie ce mot que l’usage a si grossièrement détourné de son sens ; je veux dire les formes permanentes et immuables indépendantes de l’existence temporelle des êtres particuliers, les species rerum, qui représentent l’élément proprement objectif des phénomènes. Une Idée ainsi conçue n’est pas encore, il est vrai, l’essence de la « chose en soi » elle-même, puisqu’elle est issue de la connaissance de simples relations. Elle n’en constitue pas moins, en tant qu’elle résulte de la somme de toutes ces relations, le caractère propre de la chose, et par là l’expression complète de