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la pensée de schopenhauer

futurs. Au total, ce que l’homme acquiert ainsi, en fait de notions et d’intuitions, jusqu’à l’âge de la puberté, est sans contredit plus considérable que tout ce qu’il apprendra par la suite, aussi savant qu’il puisse devenir ; car ces premières acquisitions sont le fondement de toutes les connaissances humaines.

À peine ai-je besoin maintenant de montrer encore à quoi tient la ressemblance de l’enfance avec le génie. On voit déjà que c’est à ce même excédent des facultés intellectuelles sur les besoins du Vouloir, d’où résulte la prédominance de l’activité purement cognitive. Réellement tout enfant est en quelque sorte un génie, et tout génie est en quelque sorte un enfant. Leur parenté apparaît avant tout dans cette naïveté et cette sublime simplicité qui est un trait essentiel du génie authentique. Mais on se peut convaincre à d’autres traits encore qu’un certain élément enfantin est inséparable du caractère génial. Au vrai, tout homme de génie est déjà un grand enfant de ce fait seul qu’il contemple le monde comme quelque chose qui est en dehors de lui, comme un spectacle, c’est-à-dire avec un intérêt purement objectif. Aussi, pas plus que chez l’enfant, ne trouvera-t-on chez lui ce sérieux morne et dur, par où la