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iii. de l’art

demeure pour l’art éternellement stérile. Au contraire l’Idée, perçue par l’esprit, est la source unique et véritable de toute œuvre d’art authentique. Telle qu’elle est dans sa vigueur originelle, elle ne peut être tirée que de la vie, de la nature, de l’Univers même ; elle ne peut l’être aussi que par le génie, ou par celui que son enthousiasme élève pour un instant à la génialité. Il n’y a que cette sorte de conception, cette conception directe, d’où puissent procéder les véritables œuvres, celles qui portent en elles-mêmes une vie immortelle. C’est précisément parce que l’Idée demeure ce qu’elle est par nature, c’est-à-dire intuitive et sensible, que l’artiste n’est pas conscient in abstracto de l’intention et du but de son œuvre. Ce n’est pas un concept, mais une Idée, qui lui apparaît ; aussi ne peut-il pas rendre compte lui-même de son activité ; il travaille, comme on dit, uniquement de sentiment, inconsciemment, instinctivement. Au contraire, les imitateurs, les maniéristes, imitatores servum pecus, partent en art du concept ; ils observent et retiennent ce qui dans les vraies œuvres d’art plaît et fait de l’effet, le précisent et le résument à leur usage en une notion abstraite, et, en gens habiles, s’appliquent intentionnellement à l’imiter, de façon ostensible ou dissimulée. Comme des plantes para-