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la pensée de schopenhauer

prince, il ne sied de lui adresser soi-même la parole ; sans quoi on risque de n’entendre que sa propre voix.

Toute sagesse, en fin de compte, est réellement contenue dans les œuvres de l’art ; mais elle n’y est contenue que virtuellement et implicitement. Quant à nous présenter cette même sagesse effectivement et explicitement, c’est à quoi s’efforce la philosophie, dont on peut dire en ce sens qu’elle est à l’art comme le vin est aux raisins. Ce qu’elle nous promet, c’est en quelque sorte un profit déjà réalisé, l’objet d’une possession fixe et permanente, tandis que le gain dont les créations de l’art nous enrichissent doit être, pour ainsi dire, toujours engendré à nouveau.


Sur la beauté.

Que la nature réussisse à créer une belle forme humaine, nous devons nous l’expliquer comme suit : le Vouloir, en s’objectivant à ce plus haut degré de ses manifestations dans un individu, l’emporte, grâce à d’heureuses circonstances et par sa propre force, sur tous les obstacles et toutes les résistances que lui opposent ses manifestations des degrés inférieurs, c’est-à-dire les forces naturelles élémentaires, auxquelles il lui faut toujours d’abord disputer et