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iii. de l’art

arracher la matière, ce champ d’action commun de tous les phénomènes. D’autre part, la forme que revêtent les manifestations supérieures du Vouloir suppose toujours une grande complexité ; déjà l’arbre n’est rien d’autre qu’un agrégat systématiquement ordonné de fibres innombrables, qui vont se répétant au fur et à mesure de la croissance ; et ce caractère de composition va s’accentuant toujours davantage à mesure qu’on s’élève jusqu’au corps humain, lequel est un système dû à la combinaison complexe de parties fort différentes, dont chacune, dans sa vie, est dépendante de l’ensemble, tout en conservant néanmoins une vie propre. Que maintenant toutes ces parties soient à la fois subordonnées au tout et coordonnées entre elles précisément de la façon qui convient, qu’elles conspirent harmoniquement à la figuration de l’ensemble, sans qu’il s’y trouve ni rien de démesuré ni rien d’atrophié : ce sont là les conditions rares qui sont nécessaires à la réalisation de la beauté, à l’expression parfaite du caractère d’espèce. — Voilà pour la nature. Comment, maintenant, l’art s’y prendra-t-il ? — En imitant la nature, dira-t-on. — Mais alors, comment l’artiste reconnaîtra-t-il, parmi les œuvres de la nature, celles où elle a réussi et qu’elle lui propose