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iii. de l’art
Art et imitation de la nature.

Si, mieux que la chose réelle, l’image plastique nous permet de saisir en elle une Idée, si, en d’autres termes, l’image est plus proche de l’Idée que la réalité ; c’est d’abord, de façon générale, que l’œuvre d’art représente l’objet ayant déjà passé par un sujet, et qu’elle est ainsi pour l’esprit ce que la nourriture animale est pour le corps, à savoir une nourriture végétale déjà assimilée. Mais, à y regarder de près, il y a encore ceci, que l’œuvre plastique ne nous montre pas, comme la réalité, ce qui est une fois et ne sera plus jamais, c’est-à-dire la conjonction de telle ou telle matière avec telle ou telle forme, conjonction qui fait précisément le concret, la chose proprement particulière, mais qu’elle nous montre la forme seule, qui, si elle pouvait être donnée complètement et sous toutes ses faces, serait déjà l’Idée elle-même. L’œuvre plastique nous dirige ainsi d’emblée, loin de l’individu, sur la pure forme. À elle seule cette séparation de la forme d’avec la matière nous rapproche déjà de beaucoup de l’Idée, et elle est le propre de toute image plastique, que celle-ci soit peinture ou statue. Elle fait partie du caractère de l’œuvre d’art,