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iii. de l’art

lui-même. Ce conflit se révèle dans le spectacle de la souffrance humaine ; soit que cette souffrance résulte du hasard et de l’erreur, qui apparaissent alors personnifiés, en tant que maîtres du monde, dont la perfidie va jusqu’à paraître préméditée, dans l’image d’un tout puissant Destin ; soit qu’elle ait sa source dans l’humanité elle-même, dans la poussée contraire et le heurt incessant des volontés individuelles, dans la méchanceté et la folie de la plupart des hommes. Chez eux tous, c’est le même et unique Vouloir qui vit et se manifeste, alors que ses propres manifestations se combattent et se déchirent les unes les autres. Violent chez celui-ci, plus faible chez celui-là, ici plus conscient, là plus aveugle, s’adoucissant plus ou moins à la lumière de la connaissance, il se déchaîne, jusqu’à ce que cette connaissance, accrue et clarifiée par la douleur même, atteigne enfin chez un individu le point où elle cesse d’être dupe de l’illusion du phénomène — ce voile de la Maya, — où elle perce à jour le principe d’individuation, et où meurt du même coup chez l’homme ce qui se fondait précisément sur ce principe, l’égoïsme. On voit alors les motifs perdre sur lui leur pouvoir jusqu’alors irrésistible, et s’y