Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
la pensée de schopenhauer

Tous les arts n’objectivent le Vouloir que de façon indirecte, c’est-à-dire par l’intermédiaire des Idées. La musique, elle, en omettant cet intermédiaire, se trouve être du même coup complètement indépendante du monde des phénomènes ; elle l’ignore purement et simplement ; elle pourrait en quelque sorte subsister sans que l’Univers existât ; ce qu’on ne saurait dire des autres arts. C’est qu’elle est une objectivation, une reproduction de l’ensemble du Vouloir aussi directe que le monde lui-même, mieux encore, aussi immédiate que les Idées elles-mêmes, dont les manifestations multipliées en choses particulières constituent ce monde. La musique n’est ainsi en aucune façon, comme les autres arts, la reproduction des Idées ; elle est la reproduction du Vouloir lui-même, dont les Idées, de leur côté, sont également l’objectivation. Et c’est pour cela précisément qu’elle exerce sur nous une action tellement plus puissante, plus pénétrante, que tous les autres arts ; eux ne nous parlent que d’ombres ; elle nous parle de l’être. Néanmoins, comme c’est le même Vouloir qui s’objective — sauf qu’il s’objective de façon toute différente — dans les Idées aussi bien que dans la musique, il doit y avoir nécessairement, non point certes un rapport direct de ressemblance, mais bien