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la pensée de schopenhauer

de la vie ou de la réalité, c’est toujours le présent, et que ce ne peut être ni le passé ni l’avenir. Passé et avenir n’existent que dans le concept, dans cet ensemble de relations qui forment la matière de la connaissance assujettie au principe de raison. Personne n’a jamais vécu dans le passé ; personne ne vivra jamais dans l’avenir. Le présent est la forme unique de toute vie ; mais il est aussi ce qui lui appartient sûrement et ce que rien ne peut jamais lui arracher. Le présent est toujours là avec tout son contenu ; l’un et l’autre persistent, inébranlables, comme l’arc-en-ciel sur la cascade. Car la vie peut être sûre du présent, comme le Vouloir peut être sûr de la vie. Sans doute, si, regardant en arrière, nous songeons aux milliers d’années écoulées et aux millions d’êtres humains qui les vécurent, nous nous demandons : que furent tous ces êtres ? Que sont-ils devenus ? Mais il suffit que nous évoquions notre propre passé et que nous fassions revivre en imagination les scènes qui s’y succédèrent, Pour qu’il nous faille nous demander aussi : qu’était-ce que tout cela ? qu’en est-il advenu ? — Il en est de la vie de ces millions d’êtres disparus comme de notre propre vie déjà écoulée. Ou s’imagine-t-on peut-être que le passé acquiert une