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iv. de la vie et de la mort

relle de deux individus peut en effet être telle, que l’un trouve précisément dans l’autre le complément tout spécial qui lui est nécessaire pour reconstituer avec un maximum de perfection le type de l’espèce, de sorte qu’il le convoite exclusivement. Il y a déjà là les conditions d’une véritable passion, qui, du fait même qu’elle s’adresse à un seul et unique objet et qu’elle remplit ainsi, en quelque sorte, une mission spéciale de l’espèce, revêt aussitôt un caractère noble et élevé. Pour la raison opposée, le simple instinct sexuel est vulgaire et grossier, en ce sens que, non individualisé, il vise à la conservation de l’es- pèce par la seule quantité, sans guère tenir compte de la qualité. Or l’individualisation de l’amour, et avec elle son intensité, peut atteindre un degré tel que tous les biens de la terre et la vie elle-même perdent leur valeur aux yeux de l’amoureux, tant que sa flamme n’est pas couronnée. Si grande est alors la violence de ses désirs, qu’elle le rend prêt à tous les sacrifices et qu’elle peut même le conduire, dans le cas où la réalisation de ses vœux lui est irrévocablement refusée, à la folie ou au suicide. Les mobiles inconscients auxquels nous avons jusqu’ici ramené l’amour ne