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Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/276

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la pensée de schopenhauer

rendent pas compte à eux seuls d’une passion si extrême ; celle-ci doit répondre à d’autres visées plus secrètes encore et plus difficilement déterminables. Il nous faut admettre en effet qu’ici la complexion physique des amoureux n’est pas seule en cause, mais qu’il existe en outre entre le Vouloir de l’homme et l’intellect de la femme une conformité toute spéciale, en vertu de laquelle ils sont les seuls à pouvoir engendrer un individu déterminé, dont le génie de l’espèce prémédite l’existence pour des raisons qui nous sont inaccessibles, parce qu’elles tiennent à l’essence de la « chose en soi ».

L’homme est porté par nature à l’inconstance dans l’amour, la femme à la fidélité. L’amour de l’homme baisse sensiblement à partir du moment où il a obtenu satisfaction ; il semble que toute autre femme ait plus d’attraits pour lui que celle qu’il possède ; il aspire au changement. L’amour de la femme, au contraire, grandit à partir de ce même moment. C’est là une conséquence du dessein que poursuit la nature, laquelle vise au maintien et, par suite, au plus grand accroissement possible de l’espèce. L’homme, en effet, peut facilement engendrer