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la pensée de schopenhauer

le génie — en tant que chose anormale — qui pour- raient nous aliéner leurs faveurs. Aussi voit-on souvent un homme laid, bête et inculte l’emporter auprès d’elles sur un homme cultivé, spirituel et aimable. De même on voit souvent un mariage d’amour se faire entre deux êtres complètement disparates au point de vue de l’esprit ; par exemple, lui grossier, robuste et borné ; elle délicate de sentiments, d’intelligence fine, instruite, artiste ; ou encore : lui génial et supérieurement cultivé ; elle une oie.

Sic visum Veneri ; cui placet impares
Formas atque animos sub juga aënea
Saevo mittere cum joco.

C’est que les considérations qui prévalent ici ne sont rien moins qu’intellectuelles ; ce sont celles de l’instinct. L’union des sexes ne vise pas à instituer un échange d’idées et de propos spirituels, mais bien à engendrer des enfants ; elle est un lien des cœurs, non des cerveaux. Quand une femme vous affirme s’être éprise de l’esprit d’un homme, c’est là une vaine et ridicule prétention, ou il faut y voir l’exaltation d’un être dégénéré. — Quant aux hommes, ils ne sont pas déterminés dans l’amour instinctif par les