Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
iv. de la vie et de la mort

rien pour elle, et que l’effet de cette destruction, qu’elles qu’en soient les circonstances, ne lui importe pas plus que sa cause ? La nature nous l’affirme très clairement, et elle ne ment pas ; seulement elle ne commente pas ses sentences ; elle s’exprime bien plutôt dans le style laconique des oracles. Si donc notre mère commune envoie ainsi ses enfants avec insouciance et sans nulle sauvegarde à la rencontre de mille périls, ce ne peut être que parce qu’elle sait qu’ils ne font, en tombant, que retomber dans son sein, où ils retrouvent un sûr abri, et qu’ainsi leur chute est un simple jeu. Elle n’en use pas avec l’homme autrement qu’avec les animaux ; ici encore elle déclare que la vie et la mort de l’individu lui sont indifférentes. Dès lors cette vie et cette mort ne devraient-elles pas, en un certain sens, nous l’être aussi, puisque aussi bien nous sommes nous-mêmes la nature ? Il est sûr que si nous savions voir assez profond, nous lui donnerions raison et que nous n’attribuerions pas à la vie et à la mort plus d’importance qu’elle ne leur en attribue elle-même. Aussi devons-nous arriver tout au moins, par la réflexion, à interpréter cette insouciance et cette indifférence de la nature à l’égard de la vie individuelle dans son véritable sens : à savoir que la suppression du phénomène