Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
255
iv. de la vie et de la mort

de renouveler au cours de leur existence —, comment ne pas admettre que cela, d’une part, qui disparaît, et cela, d’autre part, qui vient prendre sa place, soient un seul et même être, qui ne fait que subir une légère modification, c’est-à-dire un renouvellement de la forme de son existence, et qu’ainsi la mort est pour l’espèce ce que le sommeil est pour l’individu ? Cette idée se conçoit si naturellement, qu’il est impossible qu’elle ne s’impose pas d’elle-même à l’esprit, si celui-ci ne s’en détourne pas d’emblée avec une crainte superstitieuse du plus loin qu’il l’entrevoit, pour avoir été déformé dès l’enfance par l’empreinte de notions fausses. Et quant à la conception opposée, qui veut que par sa naissance un animal soit tiré du néant, et que sa mort, par suite, signifie sa destruction absolue ; mais qui veut en même temps que l’homme, bien que tiré également du néant, ait néanmoins le privilège d’une survivance individuelle indéfinie, elle-même accompagnée de conscience, alors que le chien, le singe, l’éléphant seraient totalement anéantis par la mort : c’est là une idée contre laquelle le bon sens se révolte et qu’il ne peut que déclarer absurde.