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la pensée de schopenhauer
Après la mort.

S’il vous arrive, dans les relations de la vie quotidienne, d’être interrogé sur la vie à venir par une de ces nombreuses personnes qui voudraient tout savoir mais qui ne veulent rien apprendre, la réponse la plus appropriée à la circonstance et qui se trouve être en même temps la plus juste, est celle-ci : « Tu seras après ta mort ce que tu étais avant ta naissance. » Cette réponse, en effet, signifie implicitement qu’il est absurde d’exiger qu’une existence qui a un commencement n’ait pas aussi une fin ; mais elle fait entrevoir du même coup qu’il pourrait bien y avoir deux sortes d’existence, et par conséquent aussi deux sortes de néant.

La profonde conviction de ne pouvoir être détruit par la mort que chacun de nous porte au fond de son cœur — comme en témoignent les inquiétudes qui viennent immanquablement assaillir la conscience à l’approche de la fin —, cette conviction est tout entière liée au sentiment que nous avons d’incarner un principe primordial et éternel ; d’où la formule que Spinoza en a donnée : sentimus experimurque nos æternos esse. Un homme raisonnable, en effet, ne peut se concevoir comme impérissable qu’en tant