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iv. de la vie et de la mort

qu’il se considère comme sans commencement, comme éternel ou, à proprement parler, comme hors du temps. Par contre celui qui se tient pour tiré du néant doit aussi croire qu’il retournera au néant ; car s’imaginer qu’un temps infini s’est écoulé avant qu’on ne fût, et qu’ensuite un second temps infini commencera où l’on ne cessera point d’être, est une idée monstrueuse. Le plus solide fondement de notre immortalité, c’est bien en réalité le vieux principe : ex nihilo nihil fit, et in nihilum nihil potest reverti. Quant à celui qui tient la naissance de l’homme pour son commencement absolu, il doit aussi tenir la mort pour sa fin absolue. Car toutes deux, naissance et mort, sont ce qu’elles sont dans le même sens : un être ne peut donc se concevoir comme immortel que dans la mesure où il se conçoit aussi comme non-né. Telle la naissance, telle aussi la mort, quant à leur nature et à leur signification : il y a là une seule et même ligne, tracée dans deux directions différentes. Si l’une est un phénomène qui nous tire du néant, l’autre est aussi notre véritable anéantissement. En fait l’immortalité de notre être véritable ne se peut concevoir autrement que par son éternité ; c’est dire que cette immortalité ne gît pas dans le temps.