Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
259
iv. de la vie et de la mort

vons cependant nous affermir dans cette conviction qu’en nous élevant à un point de vue d’où la naissance n’apparaît plus comme le commencement de l’existence. Il suit de là que ce qui s’avère indestructible par la mort n’est pas proprement l’individu ; celui-ci, étant issu de l’acte de la génération et composé des caractères qu’il tient du père et de la mère, apparaît comme une simple différenciation de l’espèce ; or, comme tel, il ne peut être que borné dans le temps. N’ayant ainsi aucun souvenir de son existence avant la naissance, il ne peut pas non plus avoir après la mort aucun souvenir de son existence actuelle. Mais il se trouve que c’est dans la conscience que tout être place son « moi » ; ce moi lui apparaît donc lié à sa qualité d’individu, avec laquelle devrait nécessairement disparaître tout ce qui lui est propre — précisément en tant qu’individualité consciente — et qui le distingue des autres. Dès lors aussi il lui est impossible de distinguer sa propre survivance sans individualité d’une survivance des autres êtres sans lui : il voit sombrer son moi. Mais celui qui rattache ainsi son existence à l’identité de la conscience et qui est amené par là à souhaiter une survivance indéfinie de cette conscience après la mort, devrait con-