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Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/319

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v. morale et religion

de préférence, et non moins librement, rentrer chez moi, auprès de ma femme. » Quand cet homme parle ainsi, c’est exactement comme si l’eau disait : « Je puis me soulever en vagues énormes (oui, certes ! à condition d’être la mer, quand le vent y souffle en tempête) ; je puis descendre une pente à toute vitesse (oui ! mais dans le lit d’un torrent) ; je puis me précipiter de haut en bas en bouillonnant et en écumant (évidemment ! là où tu formes une cascade) ; je puis m’élancer librement dans l’air comme une fusée (sans doute, si l’on a fait de toi un jet d’eau !) ; je puis même bouillir et m’évaporer complètement (c’est entendu ! mais à cent degrés de chaleur). Néanmoins, je ne ferai rien de tout cela pour l’instant ; je me décide plutôt à demeurer ce que je suis actuellement : un étang clair et paisible où se reflète le ciel. » De même que l’eau ne peut faire tout ce qu’elle dit pouvoir faire que si les causes déterminantes de l’une ou l’autre de ses manifestations se produisent, de même l’homme en question ne saurait accomplir aucune des choses qu’il croit être en son pouvoir qu’à la même condition. Tant que ces causes n’interviennent pas, il en est incapable ; mais aussi — tout comme l’eau, sitôt qu’elle se trouve placée dans les conditions requises — il faut, dès que ces causes interviennent, qu’il agisse en conséquence. Son erreur,