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v. morale et religion

foncièrement différents : chacun d’eux à déjà celui qu’il aura encore comme vieillard. Si l’on passe en revue la liste complète des vertus et des vices, telle qu’elle a été dressée par Aristote, qui nous en donne un aperçu général sommaire dans le De virtutibus et vitiis, on sera obligé de constater qu’il est impossible de les concevoir, tant les unes que les autres, — dès qu’il s’agit d’êtres humains réels, — autrement que comme des caractères innés. C’est uniquement comme tels qu’ils peuvent constituer des caractères authentiques et réels. Si ces caractères étaient le fruit de la réflexion, si l’homme pouvait les choisir et les adopter à volonté, ils se ramèneraient au fond à une feinte, à une contrefaçon, et l’on ne pourrait dès lors faire aucun fond sur leur durée, incapables qu’ils seraient de résister à la pression des circonstances.

Il est étonnant de voir comment l’individualité de chaque être humain (autrement dit un certain caractère joint à un certain intellect) détermine la nature de toutes ses actions et de toutes ses pensées, jusqu’aux plus insignifiantes ; elle est comme une matière colorante qui imprègne profondément tout ce qu’elle touche. C’est ce qui explique que l’exis-