Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
285
v. morale et religion

cela va sans dire, selon les individus —, il s’en suit que la manière d’agir d’un être humain peut fort bien se modifier sensiblement au cours de son existence, sans qu’on ait le droit d’en conclure à une transformation de son caractère. Ce que l’homme veut à proprement parler et d’une façon générale, l’aspiration profonde de son être intime, les fins ultimes auxquelles il tend, cela, aucune influence extérieure qui s’exerce sur lui, aucune leçon qu’il reçoit, ne saurait jamais le modifier. Le contraire signifierait qu’on peut refaire un être humain. Velle non discitur (on n’apprend pas à vouloir), dit excellemment Sénèque, qui met ici la vérité au-dessus des préceptes de ses maîtres stoïciens, lesquels prétendaient « qu’on peut enseigner la vertu », όιδαϰτην είναι την άρητηνν. Du dehors on peut agir sur le Vouloir par le moyen des motifs, et uniquement par leur moyen ; mais ces motifs ne sont pas susceptibles de rien changer au Vouloir lui-même, car le fait seul qu’ils exercent sur lui leur empire suppose déjà que ce Vouloir est précisément ce qu’il est. Tout ce que peuvent faire les motifs, c’est de modifier la direction de son effort, ou, plus exactement, de l’inciter à chercher sur une autre voie que celle qu’il suivait jusque-là ce qu’il cherche d’ailleurs immuablement. Ainsi donc, en