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la pensée de schopenhauer

instruisant l’homme, en inculquant à son esprit des notions plus justes, c’est-à-dire par des influences extérieures, on peut l’amener à constater qu’il se trompait jusqu’alors dans le choix de ses moyens ; par suite, on peut faire qu’il poursuive dorénavant par un tout autre chemin, voire même dans un tout autre objet, le but auquel il tend une fois pour toutes en vertu de sa nature foncière. Mais jamais on ne pourra faire qu’un homme veuille réellement autre chose que ce qu’il a toujours voulu ; à ce point de vue il est immuable, parce qu’il n’est précisément rien d’autre que ce Vouloir même, qu’on ne pourrait que supprimer si l’on prétendait le changer. En revanche, l’influence qu’on peut exercer sur son intellect, c’est-à-dire la possibilité de modifier ses notions, et par suite sa conduite, va si loin, qu’on le voit souvent chercher à atteindre le même but invariable par des voies diamétralement opposées. Supposons que ce but soit, par exemple, le paradis de Mahomet. L’homme pourra chercher ce paradis dans le monde réel ; mais il pourra le chercher aussi dans un monde imaginaire, et dans les deux cas il réglera ses moyens en conséquence : dans le premier il emploiera la violence, le mensonge et la ruse ; dans le second la tempérance, la justice, les aumônes et les pèlerinages à la Mecque.