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v. morale et religion

vardages et de niaises échappatoires de la profonde vérité de l’idée fataliste, il vaudrait mieux s’efforcer de la bien concevoir et de la bien comprendre. Elle constitue ce qu’on peut appeler une vérité démontrable, vérité qui représente une donnée d’importance considérable pour l’interprétation du mystère de notre existence.

Entre la prédestination et le fatalisme, qui sont au fond la même idée, il y a cette seule différence que pour l’une la fixité du caractère et la détermination extérieure de nos actions par des causes procèdent d’un être connaissant, tandis qu’elles dérivent pour l’autre d’un principe inconscient. Mais les deux idées se rencontrent dans la conclusion : il arrive ce qui doit arriver. — L’idée d’une liberté morale, en revanche, est inséparable de la notion de primordialité. Qu’un être soit l’œuvre d’un autre, et qu’en même temps sa volonté et ses actes soient libres, c’est là une proposition qui se peut formuler en mots, mais qu’aucune pensée ne saurait saisir. Ne voit-on pas en effet que celui qui a tiré un être du néant en l’appelant à l’existence a de ce fait même créé et fixé aussi sa nature, c’est-à-dire l’ensemble des propriétés qui le composent ? Car il est à jamais impossible à