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Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/332

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la pensée de schopenhauer

qui que ce soit de créer sans créer er même temps quelque chose, à savoir une créature entièrement et exactement déterminée dans tous ses caractères. Or, de ces caractères ainsi arrêtés, toutes les manifestations, toutes les actions de l’être qu’ils constituent découlent ensuite avec nécessité, parce qu’elles ne sont précisément rien d’autre que ces caractères mêmes désormais mis en jeu, et qui n’avaient besoin, pour produire leurs effets, que d’y être provoqués du dehors. L’homme agit nécessairement selon ce qu’il est. Ce n’est donc point à ses actions particulières que s’attache le mérite ou la faute, mais bien à son essence et son existence mêmes. Aussi le théisme et la responsabilité morale de l’être humain sont-ils deux idées inconciliables ; parce que, précisément, la responsabilité ne peut jamais retomber que sur le créateur de la créature, en qui elle a son centre de gravité. C’est en vain qu’on a essayé, en affirmant la liberté morale de l’homme, d’établir un pont entre ces deux notions incompatibles ; le pont s’écroule toujours à nouveau. L’être libre doit être aussi l’être originel. Si notre Vouloir est libre, il est aussi l’être primordial ; et inversément. C’est là précisément ce qui a obligé le dogmatisme d’avant Kant — car il