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Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/336

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la pensée de schopenhauer

duquel chacun de nous les reconnaît nécessairement comme siennes, ayant par là-même conscience d’en être moralement responsable. Nous retrouvons précisément ici ce même « je veux, et je ne veux jamais que ce que je veux », que nous avons déjà rencontré en analysant notre état de conscience à propos de l’illusion du libre arbitre, et qui induit les esprits incultes à affirmer obstinément que l’homme jouit d’une liberté absolue d’agir ou de s’abstenir à son gré, d’un « libre arbitre d’indifférence ». En fait, ce « je veux » n’annonce rien d’autre que la présence, dont nous sommes intérieurement conscients, du second facteur de l’acte — notre caractère — qui, livré à lui-même, serait totalement incapable de l’accomplir, mais qui, en revanche, dès l’apparition du motif, est non moins incapable de s’en abstenir. Or, c’est seulement une fois qu’il a été mis en action de cette manière que notre caractère fait connaître à notre intellect sa propre nature. Celui-ci, en effet, étant par essence dirigé vers le dehors et non vers le dedans, l’individu n’apprend à connaître même son propre Vouloir que par voie empirique, c’est-à-dire par ses actions. C’est la connaissance, toujours plus exacte et toujours plus intime, qu’il en acquiert progressivement, qui constitue au fond ce qu’on ap-