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v. morale et religion

— Ou encore, avec Spinoza : « Homini nihil utilius homine ; ergo hominem interimere nolui » (rien n’est plus utile à l’homme que l’homme même ; donc je n’ai pas voulu tuer un homme). — Bref, Cajus expliquera sa résolution de toutes les façons qu’on voudra. Quant à Titus, dont je me suis réservé d’alléguer les raisons, il dira ceci : « Au moment où il s’est agi pour moi de préparer l’exécution de mon crime et qu’il m’a fallu oublier provisoirement ma passion pour ne m’occuper que de mon rival, à ce moment, et pour la première fois, j’ai réalisé clairement ce qui allait se passer, ce que j’allais faire subir à cet homme. Alors j’ai été pris de pitié ; je me suis senti ému de douleur et de compassion à l’idée de le voir mourir, et je n’ai pas eu le cœur de faire ce que j’avais résolu ; je ne le pouvais plus. » Je demande maintenant au lecteur loyal et non prévenu : lequel de ces deux hommes est le meilleur ? Auquel confieriez-vous de préférence votre sort ? Lequel a été retenu par les motifs les plus purs ? Où gît, en d’autres termes, le fondement de la morale ?