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v. morale et religion

peut plus s’affirmer autrement. Or comme la souffrance, à laquelle l’homme se soustrait ainsi, est justement ce qui pouvait le conduire, en mortifiant sa volonté, à la négation de cette volonté, c’est-à-dire à la rédemption, on peut comparer celui qui met fin à ses jours à un malade qui préférerait garder sa maladie plutôt que de laisser achever sur lui une opération douloureuse déjà commencée. La douleur est venue à lui, lui faisant entrevoir en elle un moyen d’arriver à la négation de son Vouloir ; mais il la repousse, aimant mieux détruire cette incarnation particulière du Vouloir qu’est son corps, afin que ce Vouloir même demeure invaincu. Là est la raison qui fait que toutes les morales, tant philosophiques que religieuses, condamnent le suicide, malgré qu’elles-mêmes n’aient jamais su justifier cette réprobation autrement que par d’étranges sophismes.


Sur le crime.

Un crime, un péché, n’est rien d’autre que le symptôme, le signe visible, par où se trahit toute la force des liens qui attachent un Vouloir à la vie. Or la vie, par essence, implique de cruelles souffrances — que