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Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/376

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la pensée de schopenhauer

de ce corps entre désormais en contradiction avec lui, en ce sens qu’il nie ce que le corps continue d’exprimer.

Ce dont il s’agit ici, ce n’est donc pas d’une transformation, mais bien d’une véritable suppression du caractère. De là vient précisément que les individus chez qui cette suppression s’est accomplie se font remarquer désormais par une façon d’agir fort semblable, quelle qu’ait pu être auparavant la diversité de leurs caractères, et malgré que chacun d’eux puisse fort bien continuer de tenir un langage différent, conforme à ses notions et à ses croyances particulières.

Envisagée sous cet angle, la vieille idée de la liberté, telle qu’elle a été sans cesse niée et sans cesse affirmée à nouveau par les philosophes, ne serait donc pas sans avoir quelque fondement dans la réalité ; et d’autre part le dogme chrétien de la « grâce » et de la « nouvelle naissance » revêtirait également une signification. Or, justement, nous voyons ici ces deux choses — liberté et grâce — se rejoindre d’une façon inattendue pour se confondre en une seule, et nous comprenons maintenant ce que Malebranche, ce grand esprit, voulait dire quand il concluait : « la liberté est un mystère », et en quel sens il disait vrai. Car cela même que les