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v. morale et religion

mystiques appellent la grâce et la nouvelle naissance est aussi pour nous la seule manifestation directe de la volonté libre. Elle ne saurait se produire que si le Vouloir, parvenu à la connaissance de ce qu’il est « en soi », rencontre dans cette intuition le quiétif qui met un terme à son incessant effort, se trouvant par là-même soustrait à l’influence des motifs, puisque ceux-ci agissent dans la sphère d’une autre sorte de connaissance, qui n’a que des phénomènes pour objet. — La possibilité d’atteindre à une pareille liberté est le précieux privilège de l’homme ; elle le distingue de l’animal, auquel elle est à jamais refusée, parce qu’elle a entre autres pour condition la connaissance réfléchie de la raison, qui permet à l’homme de s’affranchir de l’impression présente pour embrasser du regard l’ensemble de la vie. Il n’y a aucune liberté possible pour l’animal ; nous savons déjà qu’il n’a même pas la faculté de délibérer, au sens propre du mot, c’est-à-dire d’une façon réfléchie, en confrontant entre eux dans son intellect les divers motifs, opération qui suppose nécessairement des représentations abstraites. Le loup affamé enfonce ses crocs dans la chair de sa victime avec la même nécessité qui veut que la