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la pensée de schopenhauer

correspondance qu’ils échangèrent à propos du traité écrit par Schopenhauer Sur la vision et les couleurs nous les montre tous deux sous un jour bien typique : Schopenhauer insistant, avide de mettre les points sur les i, impitoyable dans sa certitude d’avoir raison, opposant son point de vue à celui de l’illustre vieillard avec une liberté qui ignore toute considération de personne ; Gœthe évasif, et se dérobant avec une obstination aussi singulière que polie à toute discussion, et même à toute appréciation de l’ouvrage dont le jeune homme lui avait confié le manuscrit. Notons, pour ceux qui interprètent toutes les actions et les opinions de Schopenhauer par l’amour-propre et la vanité, qu’il n’en conserva pas moins jusqu’à la fin de ses jours son admiration et son respect pour celui qui était à ses yeux, avec Kant, le plus grand des Allemands.

L’année 1814 marque la rupture définitive de Schopenhauer avec sa mère, celle-ci s’étant refusée à lui sacrifier un ami trop intime, Gerstenberg, qu’elle avait eu le tort d’installer à son foyer. Arthur se transporte alors à Dresde, où il passe quatre ans, occupé à la méditation de ce système qu’il sentait, disait-il, germer et grandir en lui comme un enfant dans le sein maternel. Dès 1818, la première rédaction du Monde comme volonté et représentation (1er  volume actuel) est prête pour l’impression et offerte à l’éditeur Brockhaus, lequel l’accepte par égard à ses bonnes relations avec la romancière fort goûtée qui était la mère de ce jeune penseur inconnu. Après quoi celui-ci va se reposer en Italie. Il visite Venise, Bologne, Florence, puis séjourne à Rome, où il se fait fort mal voir de quelques intellectuels romantiques, ses compatriotes, pour ses boutades antireligieuses et anti-allemandes. Repassant à Venise, il y est retenu quelque temps par une liaison amoureuse, dont nous savons peu de chose,