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la pensée de schopenhauer

un monothéisme, un polythéisme, une « trimurti », une Trinité, un panthéisme ou (comme le bouddhisme) un athéisme. Dès lors l’Ancien et le Nouveau Testament représentent deux tendances diamétralement opposées, et leur réunion en un seul livre a fait de celui-ci un fort étrange centaure ; car l’Ancien Testament est optimiste, tandis que le Nouveau est pessimiste. Seul le récit de la Chute fait exception dans le premier ; mais il y demeure inutilisé, comme une sorte de hors-d’œuvre, tandis qu’il a été précisément recueilli et adopté par le christianisme comme le seul point par où celui-ci pouvait se rattacher à la Bible juive.

Ce caractère essentiel du christianisme, que saint Augustin, Luther et Melanchton ont fort bien su discerner et qu’ils ont, dans la mesure du possible, formulé en un système, nos rationalistes d’aujourd’hui, en vrais successeurs de Pélage, cherchent tant qu’ils peuvent à l’effacer et à s’en défaire à grands coups d’exégèse, pour ramener la religion chrétienne à un judaïsme prosaïquement et égoïstement optimiste, auquel on ajoute, il est vrai, avec une morale plus relevée, la croyance en une vie à venir. Ainsi l’exige en effet un optimisme conséquent, soucieux de ne point voir de si tôt la fin des félicités dont jouit