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v. morale et religion

notre Univers, et qui cherche à nous faire oublier cet hôte importun qu’on voit surgir comme la statue du Commandeur au milieu du joyeux festin de don Juan, la mort, contradiction par trop criante à quoi vient se heurter l’optimisme. — Ces rationalistes sont de braves garçons, mais aussi des esprits fort plats, qui n’ont pas le moindre soupçon du sens profond que recèle le mythe du Nouveau Testament, incapables qu’ils sont de s’élever au-dessus de l’optimisme juif, seul adéquat et seul accessible à leur mentalité. Il leur faut la vérité toute sèche et toute nue, aussi bien dans le domaine du dogme que dans celui de l’histoire ; en cela ils rappellent tout à fait les euhéméristes antiques. Sans doute la religion que nous offrent les supra-naturalistes est en réalité une mythologie ; mais cette mythologie est le véhicule des plus pro- fondes et des plus essentielles vérités, qu’il ne serait pas possible de mettre autrement à la portée de la grande masse. — D’autre part on ne peut nier que les supra-naturalistes ne soient souvent quelque chose de pis que les rationalistes ; je veux dire des calotins et des obscurantistes de la plus vilaine sorte. Dès lors, on le voit, le christianisme en est réduit à tenter de naviguer entre Charybde et Scylla. L’erreur commune aux deux partis, c’est de cher-