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la pensée de schopenhauer

cher dans la religion la vérité pure et simple, sans voiles, la vérité littérale. Or, cette vérité-là, elle est l’objectif de la seule philosophie. La vérité de la religion n’est qu’une vérité adaptée aux besoins et aux aptitudes du peuple, une vérité indirecte, symbolique, allégorique. Le christianisme est une allégorie qui traduit une pensée vraie ; mais ce n’est pas cette allégorie qui est en elle-même la vérité. Là est l’erreur que supra-naturalistes et rationalistes s’accordent à commettre. Les premiers veulent que l’allégorie soit vraie en elle-même ; les seconds la retournent et la façonnent jusqu’à ce qu’elle puisse l’être au sens où ils l’entendent. Dès lors chacun des deux partis oppose à l’autre des arguments également solides et pertinents. Les rationalistes disent aux supra-naturalistes : « votre doctrine n’est pas vraie » ; ces derniers leur répondent : « votre doctrine n’est pas le christianisme ». Les uns et les autres ont raison. Au reste les rationalistes, quand ils s’imaginent mesurer toutes choses à l’aune de la seule raison, ne prennent en réalité pour critère qu’une raison prisonnière des prémisses du théisme et de l’optimisme, quelque chose comme la Profession de foi du vicaire savoyard de Rousseau,