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la pensée de schopenhauer

et éclairés ; mais ce n’est point là du christianisme. Le christianisme, c’est la religion qui nous montre l’homme foncièrement pécheur et coupable de par son existence même, et aspirant du fond de son cœur à une rédemption, rédemption qu’il ne saurait d’ailleurs obtenir qu’au prix des plus durs sacrifices, à savoir par le renoncement à soi-même et par une totale conversion de son être naturel. — Du point de vue pratique où il se plaçait, c’est-à-dire si on considère les abominations qui déshonoraient l’Eglise à son époque et auxquelles il voulait mettre fin, Luther a pu avoir parfaitement raison ; mais son œuvre ne se justifie pas de même du point de vue théorique. Plus une doctrine s’inspire de principes élevés, plus aussi elle est exposée à se voir profanée, dès l’instant qu’elle se trouve aux prises avec une nature humaine animée au total d’instincts vils et pervers : c’est justement pourquoi il y a tellement plus d’abus et des abus tellement plus graves dans le catholicisme que dans le protestantisme. Ainsi, par exemple, le monachisme, dont le but est d’exercer méthodiquement des êtres humains, en leur imposant certaines pratiques et en leur permettant de s’y encourager mutuellement par la vie en commun, à la négation du Vouloir-vivre, le mona-