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v. morale et religion

chisme est une institution sublime, mais qui pour cela même devient le plus souvent infidèle à son principe. La scandaleuse corruption de l’Eglise avait donc provoqué chez l’honnête Luther une noble indignation. Ce sentiment l’amena à vouloir réduire le plus possible le christianisme lui-même à ses éléments simples, et c’est dans ce but qu’il prétendit avant tout le restreindre à la parole biblique. Mais son zèle bien intentionné l’entraîna trop loin dans cette voie : il en vint à s’attaquer dans le principe ascétique au cœur même de la religion chrétienne. En effet, éliminer l’ascétisme, c’était nécessairement y substituer tôt ou tard l’optimisme ; or, en religion comme en philosophie, l’optimisme est l’erreur capitale qui fait perpétuellement obstacle à la vérité. Tout compte fait, le catholicisme m’apparaît donc comme un christianisme honteusement profané et le protestantisme comme un christianisme dévié ; et l’on peut dire ainsi du christianisme pris dans son ensemble qu’il a eu le sort auquel sont vouées toutes les choses grandes et nobles, sitôt qu’elles doivent subsister parmi les hommes.