Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/398

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
356
la pensée de schopenhauer

les deux caractères distinctifs dont elle ne peut d’aucune façon se passer. Dès qu’on les supprime, on peut encore parler de Dieu, mais on ne peut plus le penser.

Quant à moi, je dis que j’aperçois bien la personnalité et la causalité dans ce monde temporel, sensible et intelligible qu’est notre monde, et même je sais que ce monde les suppose nécessairement. Mais la « meilleure conscience » que j’ai en moi m’élève jusqu’à l’intuition d’un monde où il n’y a plus de personnalité ni de causalité, plus de sujet ni d’objet. Mon espérance et ma foi, c’est que cette « meilleure conscience » — extra-temporelle, supra-sensible — devienne mon unique conscience : et c’est pourquoi j’espère qu’il n’y a point de Dieu. — Après quoi, si l’on tient à employer le mot Dieu pour désigner cette « meilleure conscience » elle-même, ou telle autre chose qu’on ne sait comment distinguer ni dénommer autrement, je n’y vois pas d’inconvénient. Mais cela ne convient point, ce me semble, entre philosophes.

Si le mot « Dieu » m’est si antipathique, c’est qu’il a toujours pour effet de transporter au dehors ce qui gît au dedans. Ainsi, dira-t-on peut-être, la dif-