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v. morale et religion

chacun de nous. Sa méthode consistera dès lors à réfléchir sur tous ces faits et à en combiner systématiquement les données. C’est par là qu’il est en mesure de nous convaincre. Il faut donc qu’il se garde de dévier dans la manière des mystiques et d’essayer de nous faire croire qu’il possède, grâce à de prétendues « intuitions intellectuelles » ou à de soi-disant « perceptions immédiates de la raison », une connaissance positive de ce qui est à jamais inaccessible à toute espèce de connaissance et ne saurait tout au plus s’exprimer que sous forme négative. C’est précisément ce qui fait la valeur de la philosophie, en même temps que sa dignité, qu’elle rejette toutes les hypothèses non susceptibles de se fonder sur des raisons et qu’elle n’admette rien parmi ses données dont elle ne puisse démontrer sûrement l’existence, soit dans le monde sensible, soit dans les formes inhérentes à notre intellect et selon lesquelles il perçoit et conçoit ce monde, soit dans la conscience du « moi » telle qu’elle nous est commune à tous. C’est dire que la philosophie doit demeurer une cosmologie et qu’elle ne saurait devenir une théologie. Il faut qu’elle restreigne au monde son objet. Qu’est-ce que ce monde ? Qu’est-il quant à son essence intime et foncière ? Le scruter et en redire les multiples aspects, c’est tout ce qu’elle peut honnêtement faire.