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la pensée de schopenhauer

ou d’immoralité, pouvait être transformé par une influence extérieure ! Plus fausse encore est la théorie qui veut que l’Etat soit la condition même de la liberté, prise au sens moral, et par conséquent de la moralité ; car la liberté ne gît-elle pas au delà des phénomènes, donc, à plus forte raison, au delà de toutes les institutions humaines ? L’Etat est si peu dirigé contre l’égoïsme en soi et comme tel, qu’il a au contraire son origine dans un égoïsme bien entendu, assez conscient de lui-même pour procéder méthodiquement et pour passer du point de vue des égoïsmes purement individuels à celui d’un égoïsme collectif qui les absorbe et les résume, et dont il n’est précisément rien d’autre que l’instrument. Son institution repose en effet sur cette idée très juste qu’il n’y a pas à compter sur la moralité pure, C’est-à-dire sur une justice des actions obéissant à des motifs moraux : outre que, si cette justice était possible, l’Etat deviendrait lui-même superflu.

Si l’Etat atteignait complètement son but, le résultat obtenu serait extérieurement le même que si la justice et la bonté parfaites régnaient universellement. Mais quant à l’origine du phénomène et à sa nature intérieure, ce serait l’inverse. Dans le