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la pensée de schopenhauer
De l’activité et des ouvrages de l’esprit.

De même que l’habitude de beaucoup lire et de beaucoup apprendre nuit au travail de la pensée personnelle, un homme qui écrit et enseigne beaucoup finit par ne plus savoir et ne plus comprendre les choses clairement, c’est-à-dire à fond, parce qu’il n’en a plus le temps. Il en résulte dans son enseignement ou dans ses écrits des vides, qu’il est obligé de combler er substituant aux notions claires des mots et des phrases. C’est là ce qui rend la plupart des livres si ennuyeux ; ce n’est pas l’aridité des matières. Car s’il est vrai, comme on l’a dit, qu’un bon cuisinier peut faire un plat mangeable d’une vieille semelle de soulier, un bon écrivain peut rendre attrayant le sujet le plus ingrat.

Amateurs, dilettantes ! Que des hommes cultivent un art ou une science pour l’amour de l’art ou de la science et pour leur plaisir, per il loro diletto, c’est ainsi qu’ils s’entendront appeler dédaigneusement par ceux qui s’y adonnent en vue du gain et pour qui l’argent qu’ils en peuvent tirer est la seule chose « délectable » ! Un pareil dédain repose sur cette conviction particulière aux âmes viles,