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vi. fragments divers

bout à l’autre ; il suffit provisoirement de savoir comment il a pensé. Or ce comment, cette manière caractéristique, cette qualité essentielle et générale de son travail cérébral se reflète exactement dans son style. Le style d’un homme nous donne l’élément formel, nécessairement toujours identique, de ses pensées, quels qu’en soient d’ailleurs l’objet et le contenu. On a ainsi en quelque sorte la pâte dont toutes les figures qu’il modèle sont toujours pétries, aussi diverses qu’elles puissent être.

Il n’y a pas en allemand d’expression correspondante à l’expression française de « style empesé » ; on n’en trouve d’ailleurs que plus fréquemment dans la littérature allemande la chose qu’elle désigne. Alliée à la préciosité, cette façon d’écrire représente en littérature ce que la dignité et la distinction affectées représentent dans la vie de société ; elle est également insupportable. L’indigence intellectuelle s’en pare volontiers, de même que dans la vie la bêtise se revêt souvent de gravité et de formalisme.

L’écrivain précieux ressemble à l’homme qui fait toilette pour n’être point confondu avec les gens du peuple, ce qui ne risque jamais d’arriver au gen-