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Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/426

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la pensée de schopenhauer

tleman le plus mal vêtu. Comme on reconnaît le plébéien à un certain luxe, à un certain « tiré à quatre épingles » dans le vêtement, on reconnaît la vulgarité de l’esprit à la préciosité du style.

Il y a à chaque moment de l’histoire deux littératures, qui courent parallèlement l’une à l’autre et sans guère se mêler : une littérature réelle et une littérature purement apparente. C’est la première qui forme peu à peu la littérature durable. Cultivée par ceux qui vivent pour la science ou pour la poésie, elle procède silencieusement et dignement, mais avec une extrême lenteur ; elle donne à peine à l’Europe une douzaine d’œuvres par siècle, mais qui restent. L’autre, cultivée par ceux qui vivent de la science ou de la poésie, avance au galop et à grand bruit, parmi les clameurs de ceux qu’elle occupe. Elle déverse annuellement sur le marché plusieurs milliers d’ouvrages. Mais déjà au bout de peu d’années on se demande : où donc ont-ils passé ? Qu’en est-il aujourd’hui de ces réputations si rapidement acquises et hier encore si bruyantes ? C’est bien là ce qu’on peut appeler la littérature « courante », par opposition à la littérature permanente. (P. P. vol. II, §§ 273, 282, 283, 296.)