Aller au contenu

Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/440

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
398
la pensée de schopenhauer

n’ont pas le droit de s’en prendre à la cause de ces sentiments et qu’ils préfèrent même ne point se l’avouer. Plus précisément, il se passe ceci : quelqu’un constate-t-il chez son interlocuteur une grande supériorité intellectuelle, il en conclut tacitement, et sans en avoir toujours clairement conscience, que l’autre remarque dans la même mesure son infériorité et sa sottise, et il en conçoit une rage sourde et un violent ressentiment. Qu’est-ce, en effet, que déployer de l’intelligence et de l’esprit, sinon une façon indirecte de représenter aux autres leur stupidité et leur nullité ? Au surplus les natures vulgaires s’irritent et s’insurgent au seul spectacle de leur contraire, et le mobile secret de cette révolte, c’est l’envie. (P. P. vol. I. Aphorismen zur Lebensweisheit. ch. 5.)


De la solitude.

Chacun fuit, supporte ou recherche la solitude exactement dans la mesure où il vaut quelque chose par lui-même. C’est quand il est seul qu’un être nul éprouve toute la misère de sa nullité, qu’un grand esprit a tout le sentiment de sa grandeur, bref, que tout être humain acquiert la pleine conscience de ce qu’il est. D’autre part, plus un individu se trouver