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la pensée de schopenhauer

D’une façon générale, on ne peut jamais être en accord absolument parfait qu’avec soi-même. On ne peut pas l’être avec son ami, on ne peut pas l’être avec la femme aimée ; toujours les différences de nature et d’humeur qui séparent les individus provoquent entre eux quelque dissonance. Aussi la véritable, la profonde paix du cœur, la parfaite sérénité de l’âme, ce bien qui est, avec la santé, le plus précieux de la vie, ne se peut-elle trouver que dans la solitude ; et si l’on veut qu’elle constitue un état permanent, il faut l’aller chercher dans la plus complète retraite. Si vous prenez ce parti et que vous vous trouviez être en même temps une personnalité grande et riche, il vous sera permis de goûter le maximum de bonheur que puisse offrir cette pauvre terre. Il faut oser le dire : si étroitement unis que puissent être les humains par les liens de l’amitié, de l’amour, du mariage, personne, tout compte fait, n’est jamais absolument loyal que vis-à-vis de soi-même, ou tout au plus vis-à-vis de son enfant. — Moins les conditions, tant objectives que subjectives, auxquelles est soumise notre existence, nous obligeront à entrer en contact avec les autres hommes, mieux cela vaudra pour nous. La solitude permet d’envisager, sinon de ressentir, d’emblée et d’un